Enseignant à Soissons auprès d’élèves en difficulté scolaire, Eric Ravin a commencé à écrire il y a une vingtaine d’années, d’abord des poèmes et des chansons car il est aussi musicien. c’est dans ses nombreux textes qu’il a puisé son inspiration pour écrire son premier roman, « La femme en vert ».
Il fait aussi partie de l’association Madomè, qui soutient le village de Mandiakuy au Mali, pays qu’il connaît très bien pour y être allé de nombreuses fois, une partie de son roman se déroule d’ailleurs là-bas.
La femme en vert
Pourquoi s’est-il levé cette nuit-là ?
Lui-même ne le sait pas
quand il allume son ordinateur.
Depuis longtemps il aime écrire des poèmes
qui viennent émailler les histoires de sa vie.
Mais cette nuit, il voit plus grand :
pourquoi pas un roman ?
Véritable gageure pour cet homme qui lit si peu.
Ainsi débute un voyage intérieur
d’une intensité insoupçonnée,
au point de tenter une nouvelle expérience,
grâce à cette femme,
La Femme en Vert…
Extrait
Quand sonnait l’heure des vacances, sonnait aussi l’heure du départ, car à l’époque les familles qui le pouvaient partaient pour le mois tout entier. Les copains de la rue semblaient heureux comme jamais, un mois de camping à la mer, cela ne se refusait pas.
De mon côté, la veille du départ, j’allais les saluer sans un sourire car nous étions les seuls à pouvoir louer une maison, ou pire encore partir dans un hôtel. Trois semaines assis à table matin, midi et soir, croyez-moi, ça fait juste rêver ceux qui ne connaissent pas.
Après six heures à déguster, il restait encore à visiter et à rouler dans la voiture, pour un gamin de dix ans, on n’était pas loin de la torture. Mes deux petites soeurs subissaient le même sort et devaient penser comme moi, mais nous n’en avons jamais parlé, même à voix basse.
J’allais parfois jusqu’à souhaiter que dans l’usine ça aille mal, au point d’être à notre tour obligés de camper, mais cela n’est jamais arrivé. J’ai donc peu de souvenirs de ces années de vacances.
Le plus marquant peut-être restera celui du départ. Sur les visages de ma mère, de mes soeurs, et bien sûr du mien, un stress insoutenable. Face à nous, deux adversaires et un arbitre. À ma droite trois grosses valises, à ma gauche le coffre de la voiture, au milieu, mon père qui déjà s’énervait en regardant son petit coffre et ces trois énormes malles, l’affaire commençait donc bien mal.
C’était parti pour un duel, qui débutait en général dès le vendredi soir et s’achevait au petit jour du samedi. Souvent une des trois valises épuisée finissait par abdiquer, mon père heureux de la victoire du coffre retrouvait le sourire, et nous pouvions enfin partir.
La partie n’était pas gagnée pour autant, il fallait éviter le monstre, mon père pouvait passer des heures à lui échapper et à le contourner, nous étions fiers de lui quand il nous en parlait. Plus tard, je comprenais qu’il s’agissait simplement de Paris.
Enfin nous arrivions, non pas pour découvrir le gîte, mais la place de parking ou le garage, car bizarrement à la maison, l’amour de mon père avait un ordre bien établi, sa voiture, ma mère et nous.
Si certains mettent des patins pour marcher sur le parquet, nous c’était pour entrer dans la voiture de papa.
Cette année-là, c’était un gîte à la ferme à quelques kilomètres de la Méditerranée, endroit parfait pour que notre auto soit au calme, toute la famille semblait enfin apaisée. Malheureusement au petit soir, un gros dindon vint à glisser sur le capot de la belle. Branle-bas de combat dans la chaumière, sans ma mère et sa patience, nous n’aurions jamais vu la mer.